Jeudi 23 mars, la réunion hebdomadaire de l’association Phocal a pris un (fort) accent d’Espagne avec Pédro Hernandez. Il était invité par le président Jean-Louis Amoroso. Accompagné de sa femme, Monique, qui a réalisé les montages qui seront visionnés, et d’Alain Giraud, membre fondateur et vice-président du Café-photo Marseille, Pédro Hernandez est venu présenter quelques-unes de ses images montées en 5 diaporamas thématiques et sonorisés. Mais il est surtout venu parler de son métier de photographe, …
… de sa passion, les deux étant pour lui indissociables. « J’ai commencé à 11 ans et cela ne m’a jamais quitté ».
S’il a un fort accent Espagnol – il est originaire de Valencia, au sud-est de la péninsule Ibérique – il est tout autant Marseillais puisqu’il y a vécu et travaillé presque toute sa vie. Sa femme, Monique, est marseillaise et sa fille, Isabel, est professeur à l’école de danse de l’Opéra de Marseille.
La photo, on la dirige…
Il a 80 ans. « Je suis arrivé à Montpellier à l’âge de 18 ans ; Mais Montpellier, ça ne me plaisait pas beaucoup ; Je voulais être en bord de mer et j’ai atterris à Marseille où j’ai passé 60 ans ». Il a été reporter de presse. « J’aime la photo qui bouge. Une photo qui ne bouge pas, il me semble que je suis en train de faire une nature morte ». Pour lui, la photo, c’est comme le cinéma, il faut diriger : « Une photo, on la dirige. Quand on fait un portrait, vous devez savoir ce que vous allez prendre ; On compose, on dirige… avec beaucoup de patience ».
Quatre-vingts pour cent de mon travail, c’est la péloche…
S’il a pris sa retraite de reporter à 55 ans – il vit désormais à Valence (Espagne) – il continue à être photographe aujourd’hui – « Comment arrêter quelque chose que vous aimez » – et il reste fidèle à la photo argentique : « 80% de mon travail, c’est la péloche, et tout est développé par moi ».
Au fil des présentations de ses images, il parle de son métier et dans l’un de ses diaporamas, il met en lumière une déclaration de Bill Brandt, photographe et photojournaliste anglais, qui illustre bien ses propos : « Je trouve le travail en chambre noire très important, car seul l’agrandisseur me permet de définir la composition. Je ne vois pas qu’il modifie la vérité de l’image. Les photographes devraient se laisser guider davantage par leur propre jugement, plutôt que par les snobismes ou par les réticences d’autrui. La photographie est un moyen d’expression où tout est permis, il faut tout essayer et tout tenter. Il n’y a pas de règle ni d’obligation par rapport à une copie. Moi, par exemple, j’ai toujours préféré l’effet créé par le fort contraste du noir et du blanc. Le résultat me semble plus net, beaucoup plus dramatique et plus puissant qu’avec la photo couleur ». D’ailleurs, Pédro Hernandez ajoute : « J’aime bien le grain de la photo, les noirs profonds, les blancs profonds, quand je développe avec du papier dur (niveau 5 ou 6). Avec du papier doux, c’est plat, il n’y a pas de modelé, c’est triste…Le dur donne plus de force ».
Il faut voir vite…
Très volubile, au fil de la soirée, il affirme ses convictions et sème des conseils :
- « La photographie c’est voir ; Il faut savoir voir ; Et voir est un art ; Et cet art n’est pas pour tout le monde ; C’est un art difficile ; Il faut beaucoup d’amour et quand on aime, alors on essaie de faire de la photographie, de regarder beaucoup de bouquins de grands maîtres, de voir des tableaux ».
- « Il faut connaitre son diaphragme, la lumière… Il faut voir vite… Ça, c’est être photographe… Le reste c’est… autre chose ».
- « Mettez-vous dans la peau d’un reporter, faites des photos et vous apprendrez ».
- « Bien que vous ayez le digital, ne dépassez jamais 40 images. Forcez votre cerveau à mieux ouvrir les yeux. Imaginez que vous avez une pellicule dans l’appareil et que ça coûte cher ».
- « La photo ne se fait pas en voiture, ni en vélo, ça se fait à pied… Il faut faire beaucoup de kilomètres à pied ».
- « Il faut la passion. Sans passion, on ne peut rien faire ».
Projections…
[NDLR : Les images présentées ci-dessous sont des captures d’écrans réalisées sur les projections de la soirée. Elles figurent ici grâce à l’aimable autorisation de Pédro Hernandez]
Avec le premier montage, Pédro Hernandez illustre ce principe : « Avoir un œil rapide, anticiper, deviner ce qui va se passer ». Les images sont prises sur la plage Malva-Rosa dans le quartier maritime de Cabanyal à Valencia. Vent, ciel, soleil, mer, bronzage et bikinis…
Le deuxième diaporama montre un travail de reporter-photographe pour une enquête d’Alain Pucciarelli pour un article dans La Vie Mutualiste en février 1981. « On m’a envoyé au fond de la mine » explique Pédro Hernandez. Ils y ont passé 5 heures, à -920 mètres au fond du puit Pigeot dans la mine La Ricamarie près de Saint-Etienne.
Pour la troisième thématique, l’auteur présente : « Un ami à Valencia a une galerie photographique qui est en même temps une librairie et la plupart des livres concernent le cinéma, le théâtre et la photo. Un beau jour, je lui ai dit : je vais faire des photos de tes clients ».
Il a choisi un coin dans la boutique et demandé à chaque client de prendre un bouquin… « Il n’y a pas de répétition, chacun a sa pose et c’est ça le portrait : essayer de trouver la personnalité de la personne sans la connaitre… Il faut parler, ils sont crispés, il faut leur donner confiance, et on voit dans leur visage quand ils sont bien ».
La quatrième série est le résultat d’une expérimentation : « J’avais fait une série de nus puis on m’a envoyé faire un reportage à Cuba. Comme on était en plein été, j’ai mis les diapositives dans le congélateur, comme un beefsteak. Une fois décongelée, j’ai remis la péloche dans l’appareil et je suis parti faire d’autres photos, en superposition. J’ai été très surpris du résultat ! C’est le hasard ».
Il déclare n’avoir pas refait l’expérimentation depuis…
La cinquième série – “Marseille sous soleil blanc” – reprend les illustrations de l’ouvrage éponyme. Dans cet ouvrage, on trouve la concrétisation de ce qui est écrit dans la déclaration de Bill Brandt rapportée supra. Il y a de forts contrastes de noir et de blanc, « des noirs profonds, des blancs profonds », un jeu avec les nuages et des compositions qui figent la cité Phocéenne dans une posture dramatique tellement magnifique.
Enfin, la dernière série est abordée comme une mise en parallèle des deux cités de l’auteur : celle de ses racines, Valencia, et celle qu’il a adoptée : Marseille, et a bien y regarder, c’est la même ‘’méditerranéité’’.